~Ma chemise toute neuve!~ [ftAude]

Cela faisait quelques jours à peine que j'avais intégré Auradon Prep et les cours m'ennuyait déjà. Soit je les trouvais trop dur comme les cours de bonté ou ennuyeux comme ceux de littérature ou de langue. En plus je me suis fait littéralement agressé par une princesse dans les couloirs ce matin sous prétexte que j'étais un enfant de vilain... quelle pimbêche! Heureusement une Auradonienne inconnue n'a pas hésité à défendre mon honneur de ses poings... enfin quelqu'un qui sait reconnaître ma valeur. D'après la Marraine la Bonne Fée ce que je ressent envers cette fille est de la "reconnaissance"; a vrai dire j'en sais trop rien mais c'est toujours pratique un garde du corps pour éviter de froisser ses vêtements.
En parlant de vêtements je me suis acheté une magnifique chemise bordeaux l'autre jour alors que je faisais un tour de la ville pour visiter! Sa couleur et ses délicieuses arabesques noires mon scotché a la vitrine et je n'ai pu résister à l'envie de me l'approprier! Malheureusement n'ayant pas moyen de la subtiliser (les magasins d'Auradon sont beaucoup mieux sécurisés que su l'île!) j'ai dû dépenser tout mon argent de poche...tant pis ca valait le coup!
Je sortais donc de cours alors que le soleil commençait à descendre à l'horizon pour manger dans le parc. Mon sac pesait lourd sur mon épaule et je n'avais qu'une envie: rejoindre ma chambre et montrer ma splendide acquisition à Zoran!
Je me dirigeait vers un banc en pensant déjà à la moue jalouse que mon cher petit cygne allait faire. Ah il va être dingue! Enfin du moins j'espère qu'elle lui plaira... il faudrait qu'on aille faire les magasins un de ces...
Tandis que je marchais je fus stoppé net par un obstacle et je tomba en arrière dans un petit couinement qui ne priva pas tout le monde alentour de se retourner.
Je regardais la cause de ma chute en levant les yeux les dents un peu serrés. Heureusement que mon pantalon est noir il ne sera pas tâché au moins...Devant moi ce dresse une fille hispanique aux alentours de mon age en salopette bleue pleine de cambouis... Par le Jabberwocky dites-moi que c'est pas vrai! Ni une ni deux je regardait vite ma chemise pour y trouver une tache de cambouis de la taille d'un abricot en son milieu.

-Nan mais c'est pas vrai regarde ce que tu as fait! Espèce de sale petite empotée! On devrait te couper la tête!

Sur ces paroles je sautais sur me pieds en tentant d'éloigner la tâche graiseuse de ma peau.

Revenant de mon dernier cours, je soupirai en marchant vers un endroit tranquille. J'avais bricolé un bon moment et là, je repartais là où il y avait plus de monde. Je passai derrière un banc, essuyant mes mains sales sur mon mouchoir en tissus. Je relevai à peine la tête qu'un choc me fit tomber. Si je trouve celui qui m'a fait ça, je le zigouille ! Je me relevais tranquillement et jaugeais mon agresseur. Il avait une tête de prince, une chemise tâchée et un pantalon noir. Je réprimais un rire en comprenant que la tâche venait de mon mouchoir. Il cria alors un tas d’insanités comme quoi j'étais une empotée, qu'il fallait qu'on me coupe la tête et que j'étais la responsable. Me couper la tête ? Fils de la reine de cœur, peut-être ? Il se releva alors et essaya d'enlever la tâche qui ne cessait de s'agrandir avec ces grands gestes.

-Comment ça, c'est ma faute ? C'est toi qui regarde pas où tu mets tes pieds ! Et arrête de frotter, tu vas étaler la tâche. Il faut un détergent puissant. Et si tu me traites encore une fois d'empotée, c'est à toi que je coupe la tête. Avec une clé à molette et un tournevis, ça devrait être lent et douloureux. Parfait, en somme...

Je le regardais sérieusement sans penser mes mots. Si ma mère me voyait, là, elle m'enlèverais tous mes outils !

Alors que je frottais la tâche sur ma chemise je remarquais avec horreurs que mes efforts pour la retirer n'avaient eu comme effet que de l'agrandir. Ma belle chemise toute neuve! D'ailleurs la jeune bricoleuse s'empressa de me le faire remarquer d'un air moqueur qu'elle ne devrait pas adopter selon moi dans une situation aussi catastrophique! Elle proféra de plus des insultes ma foi assez originales digne d'un enfant de vilain... Serait-elle dans mon camps? Non impossible je ne l'ai jamais vu.

-Un détergeant puissant? T'as perdu la tête ou quoi? Je tiens pas à bousiller le tissu! Et bien-sûr que c'est ta faute alors pas la peine de tenter de m'impressionner avec tes menaces car là d'où je viens des plébéiens comme toi j'en décapite trois au petit dèj! D'ailleurs sais-tu seulement qui je suis?

Je finissais ces mots en levant le menton d'un air dédaigneux et la voix forte... seulement il y avait un hic. Je n'étais personne sur l'île de l'oubli et je ne suis pas plus quelqu'un ici... alors moi, le soi-disant prince de cœur, je sens que je vais pas tarder à recevoir une réponse cinglante. Ma splendeur s'en voit affectée car mon visage se voile d'un nuage de trouble et ma mâchoire s'abaisse un peu.

Ce gars me désespérait. Je ne le connaissais pas que j'en avais marre de lui. Et en même temps, une grande envie de lui lancer des piques... Étrange, non ? Non, je délirais. Ce gars me désespérait, un point c'est tout.

-Un détergeant ne bousillera pas ta précieuse chemise de mauvais goût. Il enlèvera la tâche et laissera le tissus dans le même état qu'à l'achat. Malheureusement, un détergeant ne transforme pas les chemises moches en bel habit...

Je m'arrêtai et le jaugeai avant de reprendre plus calmement.

-Et pour qui tu es, je vais te dire un truc, je m'en contrebalance. Mais à ta façon de parler, je me doute bien que t'es de la familia de la reine de cœur... Un soit-disant méchant, donc... Quant à ton coupage de tête, je pense que tu parles mais ne feras rien...

Je m'essuyais encore une fois les mains sur mon mouchoir avant de le ranger et tendre une main au "prince".

-J'm'appelle Aude. J'suis la fille d'Audrey Ramirez. Maintenant, dis-moi si j'avais raison et que t'es le fils de cette petite reine de cœur et que tu viens de l’île de l'oubli...

Je restais muet de stupeur. "De mauvais goût"... Comment oses-t-elle? Mon corps se tendait de tout son long et j'écarquillais les yeux en prenant une grande inspiration; pour mieux enguirlander cette petite insolente. Je ne sais pas pourquoi mais elle m'en donne fortement envie. En temps normal je pense que je me serais déjà eclipser pour sauver ma chemise mais là... Non.

-Moches? Nan mais tu t'es vu récemment miss salopette? Quand on est fringué comme un vieux plombier dégoûtant on ne se permet pas de critiquer la chemise hors de prix -qu'on vient de bousiller- d'un autre!

Cette poussée de rage me fit curieusement le plus grand bien. L'épuisement et l'ennui de la journée de cours, l'altercation avec la princesse... tout était oublié c'est un avec beaucoup plus de calme mais pas moins d'animosité que je pris la main de la jeune fille du bout des doigts bien qu'elle soit maintenant propre. Je fus un peu surpris lorsqu'elle prononça ce que je devine être le mot espagnol pour famille avec un accent impécable... ceci explique son air latina.

-Je pense que des présentations s'imposent. Je suis Judicaël Valentine, Prince de Coeur. Je suppose que cela répond à tes questions. Et pour ce qui est de la décapitation, penses en ce que tu veux mais sache que mon frère et moi pourrions te raconter plus d'une histoire que tu n'aurais jamais imaginé même dans tes pires cauchemars!

Je lâchais alors lentement sa main pour retirer ma chemise, me retrouvant donc en t-shirt uni noir laissant apparaître mes nombreux tatouages. Je balançais aussi ma chemise sur une de mes épaules dans le soucis du détail. Au fond de moi je voulais lui montrer que je n'étais pas qu'un prince précieux mais aussi un bien vilain jeune homme.

-Et toi, qui es-tu?

Il vomit tout un tas de paroles ennuyantes mais apparemment actives. Je soupirai et levai les yeux au ciel. Si ma mère était là, elle m'aurait traité d'insolente en m'insultant de tous les nom d'oiseaux qu'elle connaissait en espagnol. Vu qu'elle le parlait couramment, cela signifiait une infinité. Moi, insolente ? N'importe quoi ! Quoi que...

- Ma salopette est bien comme elle est, c'est mon style, un point c'est tout. Si tu affectionnes les chemises moches et hors de prix de chez "On vend des trucs moches très cher", je m'en fiche. Mais ne viens pas critiquer mon style vestimentaire quand le tien est aussi moche que le derrière de ta môman...

Il se calma un peu. Je n'avais pas dû dire la dernière phrase assez forte... Il se présenta alors comme Judicaël Valentine, le fils de la reine de cœur. C'était évident... Les couleurs, les coupages de têtes, la façon d'être, tout concordait.

-Mes pires cauchemars ? Tu rigoles, j'espère. Mes cauchemars se passent dans un monde sans mécanique. Alors ta petite décapitation, je m'en fiche complètement. Attends, t'as un frère ? Oh le pauvre chou ! Je ne donne pas cher de sa peau !

Il me lâcha la main et retira sa chemise. Attendez... Il m'a fait toute une histoire alors qu'il avait un tee-shirt en dessous ? Il est vraiment pas possible, ce gars ! Il me demanda alors qui j'étais. Se fichait-il de moi ? Je venais de lui dire ! Je tentais alors de faire l'imbécile. Je prenais alors une voix grave et bourrue.

-Salut, je m'appelle Jean-Jacques Balustrade, j'ai 44 ans, je suis routier et je suis le fils de ma mère. Enchanté !

Je reprenais ma voix normale en m'esclaffant comme une hyène.

-J'viens de te le dire, enfin ! Aude Ramirez, pour te faire chier ! 16 ans au compteur, fille d'Audrey Ramirez et future mécano. D'ailleurs... Ma salopette crasseuse te dit merde !
J'étalai le cambouis de ma salopette sur mes mains et touchai son visage, son tee-shirt propre et ses mains. Là, il ne pourrait pas se changer avant de rentrer !

Quelle sale petite peste! J'y crois pas, je tente de faire la paix et elle me crache son venin au visage! Je continuait tout de même à tendre ma main même si l'envie de lui coller en travers du visage me piquait les doigts. Enfin... je dis ca mais je suis plus du genre violence verbale que physique; en plus elle doit avoir une clé à molette sur elle et de plus gros biceps que moi.

-C'est dans ses moments là qu'on se rend compte de la subjectivité de la beauté.

Un sourire figée sur mes lèvres, dernières barrières avant de repartir en guerre, je la laissais me prendre la main qu'elle étrangement prit le temps de nettoyer.

-Pas besoin de te décapiter apparemment tu as déjà perdu la tête. Et sache que mon grand frère et moi nous entendons très bien.

Bon ok on s'entend pas si bien que ca! Et alors? Comme si le mensonge était interdit. Je retirait alors ma chemise mais à mon grand désarrois ce ne sont pas mes tatouages qui attirèrent son attention mais le fait que je porte un T-shirt sous ma chemise. Raté. Elle regardait avec un air surpris et moqueur alors que je jetais ma chemise sur mon épaule en lui demandant son identité. A croire que tous les enfants de gentils détestaient les enfants de l'île, peu importe qui nous étions. Il ne servait plus à rien dese voiler la face en se persuadant que les préjugés se font rares, que nous sommes de plus en plus acceptés et qu'eux sont de plus en plus tolérants... mensonges. Cette deuxième altercation n'avaient rien d'une coincidence.

Encore de la moquerie, de l'humour de bas étage et un language ordurier... qu'ai-je fait pour mériter de rencontrer cette fille bourrue? Naître avec une couronne tordue sur la tête au milieu d'une prison? Sûrement.

-Excuse moi je voulais juste te connaître un peu m...

Soudain sans que je m'y attende réellement elle plaquait ses mains pleines de cambouis sur mon T-shirt et mon visage. Heureusement mon haut noir ne craignait rien mais sentir se liquide gras, épais et odorant sur ma peau... c'était trop. Je la repoussait du plus fort que je pouvais en l'attrapant par les poignets avant de hurler ma pensée profonde à cette pimbêche.

-C'est quoi votre problème à vous, les Auradonniens? Vous vous estimez tant que ca meilleurs que nous? Au point de nous insulter, nous maltraiter et littéralement nous salir? Tu sais quoi j'estime qu'on vaut beaucoup mieux que vous tous car nous au moins on a le mérite de tenter de venir à vous en amis. Mais apparemment c'était une erreur, il n'y a plus de place pour nous ici depuis que les préjugés ont prit la nôtre. Aude Ramirez, tu peux essayer tant que tu veux jusqu'à te couvrir de cambouis de la tête au pied jamais tu n'arriveras à construire une machine capable de te faire changer; toi comme les autres.

Sur ces mots je me saisissais de mon sac et je m'éloignais vers les dortoirs d'un pas rapide. La tête baissée et les yeux embués de larmes de rages.